Quelques mots sur Henri Renoux

Henri Renoux est le sage que chacun aimerait rencontrer. Je l’ai connu par son « Chant des chants » qu’un ami toulousain m’avait offert.

Je suis noire et belle. ( « Cantique des Cantiques », Chant I, 5)

Je lui ai parlé d’un projet de livre illustré sur les mœurs des femmes orientales où il pourrait ciseler les mots-clé et multiples de cet Orient qui n’oublie jamais de relier le ciel et la terre. Haram pour dire le Beau, l’Amour, Dieu. Je l’entendais rire au téléphone. Je ne savais pas que j’avais prononcé ses mots magiques.

Car le signe est image et ombre.

Avec Henri, tout devient simple. Au début il y a le signe, la lettre, le mot, mais tout se rejoint. C’est l’histoire de la verticale, de l’horizon, du plein et du vide, du noir et du blanc. Du tout qui est Un, du Un qui est tout.

 Chaque lettre dit tant et tout : alpha et oméga

L’oblique de l’aleph

La verticale descendante de l’alif

C’est une histoire de ciel et de terre

Toujours il est question de la verticalité de la chaîne

Et de l’horizontalité de la trame

Une histoire de liens qu’il s’est construite depuis son enfance. À six ans dans son bocage vendéen, il se sent relié au reste du monde grâce à la voie romaine qui le traverse. Fils d’artisan, se définissant lui aussi comme artisan alors qu’il est professeur. Il dit être véritablement né à 30 ans grâce à la calligraphie arabe alors qu’il pratiquait jusque-là la tapisserie.

Comme un tisserand…

La navette et le calame ouvrent au même voyage dans le temps.

Cette transcendance qui veut croiser le ras du sol désertique de notre vie d’homme.

Tissons ce croisement dans ta beauté.

Matisse disait qu’il avait tout appris de l’Orient. Henri, lui, vivant à Toulouse dans un quartier dit « sensible », s’ouvre encore. Oui, la calligraphie arabe lui a tout appris mais Shakespeare, Bach, Ibn’Arabi, Rumi, Halladj, Isaïe, Le Christ, Moïse, et Mahomet aussi. L’apprenti calligraphe croit encore que la technique amène à l’esthétisme. Comme un autodidacte, il se place pour « constamment être enseigné ». Initié comme dans ta belle tradition des calligraphes où le disciple, le yadidé, qui a compris les maîtres doit rajouter sa griffe, il rajoute encore d’autres langues, mortes ou vivantes.

 Un long sillon sur la plage blanche qui va

Qui tourne et retourne comme un boustrophêdon

Toujours le même, même si les caractères en sont différents arabe, hébreu,

grec, persan, cyrillique, avec quelques digressions éthiopiennes et tibétaines,

jusqu’aux cunéiformes et à la grotte de Lascaux.

Calligraphie et l’on entend la beauté formelle.

Qualigrahie… plutôt qui veut dire la quintessence de l’homme.

Les kabbalistes juifs et les mystiques musulmans disent :

C’est un feu noir sur un feu blanc

Lui, le petit professeur ascète aux yeux qui brillent, rejette les écoles puisqu’il prend à toutes. Il est l’aiguillon pour les autres, la porte ouverte pour l’inspiration et la Beauté. Trente années passées à Toulouse puis une retraite dans le Tarn, il devient un vrai ermite-soufi pour entamer un voyage dans ta Beauté et l’Amour avec Anne, son autre lui-même à qui il a dédié le « Chant des chants ».

 Selon saint Cyprien ta qualigraphie est formée avec ta terre prise aux quatre extrémités

du globe et dont les Lettres de son nom A. D. A. M. sont les étoiles majeures

du firmament : l’Orient, l’Occident, le Nord et le Midi.

Dans le tâtonnement de l’amour…

Henri voulait s’orienter. Il ne savait pas qu’il était déjà devenu une boussole. Quand la maladie t’a atteint il a voulu la regarder en face avec Qohélet le Sage, l’Ecclésiaste de la Bible. « Une sorte de lecture de ma vie. La lumière est douce. » Il a réalisé son rêve le plus fou en faisant s’embrasser deux civilisations sœurs, hébraïque et arabe, dans l’écriture.

Il était toujours ouvert aux autres, m’envoyait des calligraphies ou des phrases qui m’enchantaient. Il craignait de ne pas pouvoir retrouver son « Qohélet ». Il travaillait encore sur un portrait de Marie à la façon éthiopienne. Pour notre dernière conversation, sa voix fatiguée ne parlait que de lumière qu’il avait et qu’il allait retrouver.

L’Orient c’est le début, le levant, l’ouverture. L’histoire et le lien entre

Haram, Qohélet et Halladj.

L’Orient c’est la vie.

Ysabel Saïah-Baudis

Postface de Douce est la Lumière, Hazan, 2004.

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